Bicentenaire Napoléon et mémoire de l’esclavage: des «ombres» aux mensonges
Le 10 janvier 2021 par LOÏC CÉRY (LE BLOG DE LOÏC CÉRY)
Tout cela semblait joué d’avance. C’était dit de longue date, ficelé, soigneusement empaqueté et prêt-à-consommer. 2021 serait l’année du bicentenaire de Napoléon Bonaparte, mort à Saint-Hélène le 5 mai 1821. C’était oublier que dans la France d’aujourd’hui, on ne saurait commémorer en rond, entre soi, comme avant en somme, comme si cette société n’avait pas changé et comme si le roman dit national pouvait encore s’identifier aux fables édifiantes. Par Loïc Céry et Louis Sala-Molins
Tout cela semblait joué d’avance. C’était dit de longue date, ficelé, soigneusement empaqueté et prêt-à-consommer. 2021 serait l’année du bicentenaire de Napoléon Bonaparte, mort à Saint-Hélène le 5 mai 1821. À notre tour, nation unanimement prosternée et prostrée devant le portrait du grand homme, il était dit par avance que nous allions rejouer tout au long de l’année le retour des cendres de l’empereur. Tout était prévu, pour concrétiser un hommage national pétri de reconnaissance filiale, fût-elle lovée dans l’inconscient collectif. Le pays, qui aime à se reconnaître dans le miroir sans teint de sa grandeur passée, de sa grandeur supposée, reconstituée et donnée en récit d’un roman qu’on dit national, devait égrener le long panégyrique d’un petit général corse devenu empereur des Français, conquérant de l’Europe et du monde, avant de connaître la destinée héroïque de l’aigle déchu à l’ombre immortelle.
Gloire, grandeur, héroïsme : rien ne devait nous être épargné au cours des prochains mois dans un récit en carton-pâte, et le dispositif est à la mesure du rendez-vous.
Si 2005 avait connu la dérobade des commémorations de la Bataille d’Austerlitz finalement sacrifiées sur l’autel de la concorde européenne, 2021, pour sûr, serait l’apothéose, l’année du grand frisson, même sous covid. 2021, cuvée du tressaillement de la Patrie reconnaissante à celui qui raffermit l’État à coups de codes, élargit les frontières à coups de canons, soumit les monarchies européennes à coups de népotisme. Et on est prêt, fin prêt. Prêt à feuilleter l’album : le 18 Brumaire, le Pont d’Arcole, le sacre, les conquêtes, l’île d’Elbe, les Cent Jours, Saint-Hélène. Sans oublier Joséphine, notre si chaste impératrice. On est prêt à revivre la fièvre de l’homme providentiel, du guide suprême, menant son peuple vers la lumière.
La victoire, en chantant, devait nous ouvrir la barrière.