Par Sylvain Mouillard , Marie Piquemal et Charles Delouche Bertolasi — 23 novembre 2020 à 21:01 in Liberation
Jean-Michel Blanquer, le 7 mai. Photo Christophe Archambault. Reuters
- Affaire #Avenirlycéen : les documents qui montrent l’implication des rectorats.
Après la métaphore culinaire de la «sauce» et du «lapin» dimanche, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, et ses soutiens ont entrepris lundi une violente contre-attaque médiatique après les révélations de Libération sur la genèse de l’organisation Avenir lycéen, qui revendique 400 adhérents. Plus proche de l’amalgame et de l’injure que d’une réponse sur des faits et éléments concrets.
A LIRE NOTRE ENQUÊTE Avenir lycéen, un syndicat modèle modelé pour Blanquer.
Interrogé par BFM TV ce lundi matin, le ministre a ainsi dénoncé «tout un secteur de l’ultra-gauche qui ne pense qu’à créer de la polémique à partir de rien», voire «une affaire cousue de fil blanc par des secteurs de l’ultra-gauche». Et de proclamer qu’«il n’y a pas d’affaire», avant d’indiquer à la chaîne qu’elle n’est pas «obligée de relayer cela». Dans la même veine, Blanquer a également soutenu qu’«aujourd’hui, le sujet c’est : est-ce qu'[Avenir lycéen] a fait un mauvais usage [de sa subvention] ?» Or, notre enquête publiée samedi allait au-delà des premières révélations de Mediapart, montrant comment l’administration de l’Education nationale avait été à la manœuvre pour la création d’une organisation plus en phase avec les actions du locataire de la rue de Grenelle. Ce lundi, Mediapart a publié un autre article apportant de nouveaux éléments en ce sens.
Lundi, une tribune signée d’une trentaine de députés LREM (peut-être les membres de la boucle Telegram «Fan-Club JMB») vole au secours du ministre, dans un texte évoquant pêle-mêle l’«islamo-gauchisme», l’«extrême gauche» et allant jusqu’à affirmer que «dénoncer Edwy Plenel, lui qui a trouvé des excuses aux assassins des JO de Munich comme aux frères Kouachi, entraîne un déchaînement, repris sans aucune nuance par certains médias comme Libération».
Dans sa stratégie de défense, le ministre assure que l’enquête repose uniquement sur des témoignages. C’est erroné. Elle est également étayée par des preuves écrites : mails, captures d’écran de discussions… Nous avons sollicité le ministère vendredi, avant la publication de notre article, pour le faire réagir sur tous ces points précis. Malgré nos relances, il n’a pas répondu. Et toujours pas à cette heure. Nous avons donc décidé de publier ces éléments écrits, qui ont servi, entre autres, de matière à notre enquête.
La rédaction de communiqués de presse
Retour début décembre 2018, quelques jours avant la création d’Avenir lycéen. Alors que la mobilisation dans les lycées gagne du terrain, des fonctionnaires, en poste dans plusieurs rectorats, proposent à de jeunes lycéens, fraîchement élus dans les CAVL (conseil académique de la vie lycéenne) de faire des communiqués pour apaiser la situation. Ces élus, mineurs pour la grande majorité, sont des sortes de «superdélégués de classe», qui représentent les élèves dans des instances du rectorat, et qui parfois participent à des comités de suivi de réforme (par exemple, la réforme du bac). Elus depuis quelques jours, plusieurs se lancent donc, sur les conseils du rectorat, dans la rédaction de communiqués de presse. Mais ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que leur correspondant au rectorat allait corriger leur copie. Avec plus ou moins de formes…
Exemple de réponse reçue par Zoée Perochon-de Jametel, dans l’académie de Créteil :
Autre exemple, dans l’académie d’Orléans-Tours cette fois. Le fonctionnaire encourage Teddy mais propose tout de même des changements importants dans son texte.
Cet échange prend ensuite une autre dimension. Au lendemain de l’épisode du communiqué, Teddy Wattebled reçoit un nouveau mail daté du 9 décembre : cette fois, le fonctionnaire du rectorat lui donne des conseils sur la façon de communiquer sur les réseaux sociaux. Et l’invite à rajouter le #Avenirlyceen à chaque fois qu’il poste «un message sur la vie lycéenne».
Le message date du 9 décembre, donc avant la création d’Avenir lycéen – les statuts de l’association ont été déposés le 12 décembre en préfecture. Cela pose question. Au moins une, centrale : qui est à l’origine de cette consigne ? Il est difficile de croire que ce référent du rectorat ait eu seul l’idée de conseiller aux élèves d’ajouter ce hashtag, qui commençait à circuler chez les jeunes macronistes.
Sylvain Mouillard , Marie Piquemal , Charles Delouche Bertolasi