Vu d’Allemagne
Ce n’est pas la guerre culturelle qui sème le trouble entre la France et le monde musulman.
2 MINDIE ZEIT (HAMBOURG) in Courrier International
Après les récentes attaques terroristes qui ont eu lieu en France, il importe de savoir quel but se trouve derrière ces agressions, prévient la presse : après l’effondrement du califat, l’État islamique compte ébranler un pays au cœur de l’Europe.
Non, il ne s’agit pas d’un choc des civilisations, ni d’une opposition Orient-Occident ou islam-christianisme ; soutenir cette thèse serait céder à la propagande, écrit Die Zeit. L’hebdomadaire allemand revient sur les récentes attaques terroristes qui ont eu lieu en France et la fureur qu’a déclenchée dans le monde musulman le discours d’Emmanuel Macron sur le séparatisme islamiste.
“À première vue, cela ressemble à une redite de la bataille préférée des adeptes de la guerre culturelle : les fanatiques religieux contre les défenseurs de la liberté d’expression, le voile contre l’esprit libre. On a l’impression de retourner dans la guerre de tranchées qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001. Il ne s’agit pourtant que de messages de surface que les propagandes agitent, des deux côtés.”
Pour le journal, il est important de rappeler que les attaques en France servent des objectifs politiques bien ancrés dans la réalité de l’année 2020 : après la chute du califat, les islamistes radicaux et les terroristes de l’État islamique cherchent à déstabiliser un pays situé au cœur de l’Europe avec l’espoir que, dans sa descente vers le chaos, il entraîne tout le continent avec lui, argumente Die Zeit. Quant à certains gouvernements arabes, ils dénoncent le droit au blasphème qui existe en France “et brandissent la menace d’un boycott pour mieux contrôler leur population”.
Les cris d’orfraie dénonçant une guerre culturelle
Rien n’illustre mieux cette observation que la récente passe d’armes entre les présidents turc et français, estime Die Zeit. Emmanuel Macron a été le dirigeant européen le plus actif dans la lutte contre l’expansionnisme turc que ce soit en Syrie, en Libye ou en Grèce. Mais il a commis l’erreur de parler de l’islam comme d’une“religion en crise” et a ainsi ouvert involontairement une brèche pour Erdoganqui, lui, cherche à détourner les regards de la crise économique dans son pays.
“Ces cris d’orfraie dénonçant une guerre culturelle ne servent qu’à détourner l’attention du public – qu’il soit turc, français ou européen – des véritables enjeux : les matières premières, les conflits de territoires, les armes, l’influence, la domination. En résumé : vous en bas, et nous en haut.” La France sera durablement affaiblie par cette double crise de la pandémie et du terrorisme islamiste. Et cela ne profiterait pas seulement à Erdogan, mais également à certains pays arabes, à l’Iran, la Russie, la Chine et aux combattants de Daech. Soit autant de raisons pour les Européens de se ranger aux côtés de la France.”